
La compagnie avait érigé un mur imposant de briques rouges qui délimitait le bout de la rue et le fond des jardins, des installations de la mine.
Au fond du coron, contre l'enceinte limitrophe, étaient érigés des marronniers semblables à ceux que j'ai connus au début de ma scolarité,dans la cour de l'école Marmottan de Bruay en Artois, non loin de ces lieux.
Il arrivait fréquemment que mon père, dans sa jeunesse, escalade ce mur depuis son jardin, afin de se rendre plus rapidement aux lavabos ( bains douche-communs ) lorsqu'il était " farcé " le lundi après être rentré tardivement du bal...au grand dam des gardes du carreau minier qui ne lui accordèrent pas toujours leur clémence quant aux sanctions encourues à l'époque.
Mes parents me permettaient, à mon grand ravissement, de dormir chez mes aïeux le mercredi soir, car il n'y avait pas école le jeudi, ou pendant les vacances scolaires, la périodicité de ces dernières étaient presque équivalente à celle de nos jours.
Ils m'avaient réservé et aménagé à cet effet une petite chambre coté jardin dont l'unique fenêtre avait l'avantage d'offrir une vue incomparable sur cet énorme carreau minier....
Commentaire sur cette photo:
Le câble de la cage n'est plus relié à la machine d'extraction, en atteste le brin mou la reliant.
Cette dernière est reliée au treuil de secours sur l'étage supérieur visible en haut à gauche, certainement mis en usage aux abouts afin de terminer les opérations d'obturation des recettes avant le comblement du puits...
Enfant, j'ai toujours été fasciné par le microcosme industriel de cette fosse que j'ai connue débordante d'activités dans les années 60 :
Les rotations intempestives des mollettes des deux chevalements à quelques dizaines de mètres du jardin de mes grands-parents, associées aux sifflements des machines d'extraction; le bruit de fond des convoyeurs des lavoirs; les allers et retours des berlines chevauchant les deux terrils jumeaux, dont le déversement des stériles générait une poussière qui se déposait chaque jour sur les meubles de Grand-mère... et surtout l'éclairage de tout ce carreau minier, très impressionnant la nuit.
Je pense que cette passion que je voue à l'histoire des mines de notre région, ainsi qu'au patrimoine qui y est associé, émane sans aucun doute, des longs moments que j'ai passés à admirer cette fosse depuis la fenêtre de ma chambre, aux toutes premières loges sur ce siège de concentration, fleuron de toute une région minière.
La rue des Capucines a été rasée au même titre que la fosse N° 6 à la fin des années 80.
Exceptés les deux terrils jumeaux et l'ancienne lampisterie complètement rénovée, aucun vestige ne subsiste de nos jours, de ce complexe industriel.
Une nouvelle cité composée de charmants pavillons individuels remplace les anciennes habitations minières que j'ai connues durant mon enfance.
La rue se nomme toujours " Rue des Capucines "...
De nos jours, lorsque j'effectue mes randonnées pédestres chaque weekend sur cet ancien site minier, qui est l'un de mes favoris, je gare ma voiture sur l'ancien emplacement du seuil de la maison de mes grands-parents que j'ai mémorisé à tout jamais, avec un pincement au coeur à chacune de mes visites........
Photo: Daniel Deckens
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