Une petite flamme qui ne s'éteindra pas...
Reportage de la VOIX DU NORD sur la firme ARRAS MAXEI en date du 28 novembre 1982.
Après mes études, j'avais connu ma première expérience professionnelle au sein du bureau d' étude de cette société qui était sise à l' époque boulevard de la Scarpe.
" Il existe à Aubin, dans le bassin de Decazeville, un musée de la mine comme... nous n'en possédons pas encore chez nous.
Un touriste arrageois visitant l' Aveyron, cet été, y fit une trouvaille qui excita sa curiosité : une lampe de mineur ! oui pareille aux nôtres...Tiens donc !
Et d' interroger le guide : je connais cela, mais d' où vient-elle ?
Oh ! répond le gardien, je crois que c'est fabriqué dans le Nord. D'ailleurs, on en trouve par là.
Oui, tenez à Arras, c'est marqué dessus...
Tête de notre touriste, confus de son ignorance, mais qui mit un point d' honneur à se renseigner à son retour.
Voyons, est-il un vrai Arrageois qui ne saurait le dire ?
S'il n'a pas connu la Société Anonyme d' Éclairage et d' Application Électriques fondée en 1898 rue des Chanoines, transportée ensuite rue des Constant-Dutilleux, et qui était une filiale de la Compagnie des Mines de Béthune, on ne saurait le coller sur << Arras Maxei << ( fabrique de Matériel Auxiliaire pour l' Eclairage et l' Industrie ), créée en 1959, boulevard de la Scarpe.
Arras Maxei , c'est le continuateur des activités de la précédente société, qui s' était transférée à Paris en 1914 pour échapper à l' invasion et s' était réinstallée en 1920 dans les anciens magasins généraux de la ville d' Arras, Ici même...
En 1982 comme en 1959 et comme en 1898, la vocation de cette industrie locale est invariablement d' éclairer les fosses et les hommes du fond et de le protéger des risques encourus.
Seul le matériel a changé ou s'est amélioré.
Dans cette branche technique, on s'est toujours tenu à la pointe du progrès et de la sécurité.
Depuis l' ouverture des premières galeries, on ne cessa de rechercher la lampe idéale.
Au début, on s' éclairait avec des lumignons à feu nu.
On brûlait du suif de cheval, de l' huile végétale, des chandelles...
Et pour se débarrasser du grisou, on l' enflammait au moyen de lampes éternellement allumées en haut des tailles, ou l' on confiait ce soin à un ouvrier appelé " pénitent ", masqué d' une cagoule et qui, d' une perche, sondait les cavités suspectes de présence grisouteuse. C'était dangereux..
Les accidents devenat catastrophiques, les ingénieurs du XIXème siècle se penchèrent sur la flamme de la lampe et finirent par inventer une lampe de sureté...qui ne le fut qu' après un siècle d' observations et d' études.
La " Davy " anglaise, montra le chemin en 1823, mais longtemps encore, les gueules noires de chez nous, n'ayant pas confiance, s' éclairèrent selon l' habitude, souvent à la bougie.
Il y eut les lampes anglaises Clanny, Gray, Morrison, les belges Mueseler, Eloin, les françaises Fumat, Marsaut, Chesneau, Lechien, l' allemande Wolf, l' autrichienne Fillunger, etc.
Mais il fallut attendre 1920 et la fée électricité...
Après 1918, on remplaca les lampes à flamme par de grosses lampes à accumulateurs ou à piles, lourdes et encombrantes et qui cédèrent la place, vers 1950 à une lampe électrique frontale.
Cependant la lampe à essence es restée le premier indicateur, le moins onéreux et le plus répandu, de la teneur en grisou dans les charbonnages.
Elle brille au fond en 1982.
Car elle concourt aujourd' hui comme hier à la sécurité des personnels.
Sécurité d' abord
Sécurité ? C'est un mot-réflexe dans la profession.
Les normes imposées par l' État, le exigences qu' il met à son agrément, les rigueurs que suppose un certificat de conformité, sont présentes à l' attention en permanence.
Et l' on fait son profit de toutes les expériences vécues.
" Il n' y a qu' une catastrophe minière qui reste inexpliquée, nous disait M.Vanhove, ingénieur des mines, directeur d' Arras Maxei depuis 1969, c'est celle de Liévin...On voudrait bien savoir..."
Sécurité ? un exemple : la lampe à essence de type CF et dont les caractéristiques font l' objet d' une notice descriptive et d' un plan très précis, ne peut être mise en service si elle ne satisfait pas à un certain nombre de conditions :
1° Le jeu diamétral au passage de la tige du rallumeur ne doit pas dépasser 0,5 mm.
2° L'effort à exercer sur le verrou de la fermeture magnétique pour en provoquer l' effacement doit être au moins égal à 400 grammes.
3° La fermeture de la lampe doit occasionner l' encliquetage par le verrou, d' au moins douze dents de la crémaillère ( NB pour les types BNF et BAN ).
4° Les dimensions du verre doivent satisfaire aux tolérances portées sur le plan.
5° Ne sont utilisables dans les lampes que les pierres au ferrocerium, référence étant faite aux qualités vérifiées par le CERCHAR...
Une vraie Arrageoise.
Cette lampe à flamme qui vous parait si simple ( mais dont il existe nombre de modèles ou de variantes ) et qui pèse plus de 2 kg, est constituée de plus de 100 pièces différentes, faites d' acier, d' étain ou de laiton.
Vous avez le réservoir de carburant, avec briquet, mèche et dispositif de rallumage à pierre...
La couronne d' admission d' air posé dessus avec grilles métalliques...le verre en cristal ( de Baccarat ) qui répond à des critères d' optique, de mécanique et de résistance...
Les tamis emboîtés l' un dans l' autre qui coiffent la partie supérieure du verre et forment la pièce maîtresse de la lampe ( sécurité oblige !...).
L' habillage pour nous résumer, avec le corps de la lampe, galerie, cuirasse métallique, éléments de protection divers, verrou magnétique...
La lampe n'est considérée comme sure que lorsque ses composantes sont en parfait état.
Après chaque remontée, dans les mines, on démonte, nettoie, vérifie, essaie.
Un mode d'emploi très précis couvre des pages et des pages de notes et de prescriptions...
Admirable : Arras Maxei fabrique le tout de A jusque Z ...sauf le verre, que fournit Baccarat et qui coûte 100 F à lui seul.
" Dites-nous Mr Vanhove, la lampe de mineur, si grande est la réputation de votre maison, ne doit plus guère compter dans votre plan de charge de travail...
" C'est vrai que le plus gros de nos fabrications intéresse l' industrie de l' électricité, ce qui sert à construire le matériel électrique.
Nous faisons les machines-outils qu' utilisent les industriels.
Nous sommes spécialisés en tours à bobinage, appareils de filtration d' huile, stands d' imprégnation, etc...
" A cet égard, nous avons opérer une conversion depuis la seconde guerre.
D'autres fabrications étaient devenues; mais nous sommes restés dans notre rôle et nous avons maintenu la vocation d' origine qui consistait à fournir le matériel de sécurité des mines et assurer l' après vente.
" A l'époque, nous assurions l' éclairage ainsi que la détection de l' atmosphère.
Aujourd' hui, nous n' avons plus la fonction d' éclaire mais nos lampes jouent toujours un rôle irremplaçable en matière de détection.
" Elles fonctionnent en permanence mieux qu' un grisoumètre, en prévenant de toute anomalie, un manque d' oxygène par exemple.
Une coloration variée indique la présence du grisou.
" Dans toutes les mines, nos lampes ont à cet égard leur utilité qu' il s' agisse d' exploitation de charbon, de potasse.
Ce ne sont plus les ouvriers mineurs qui s' en servent, mais les chefs de chantier, les chefs de poste, les boutefeux.
" Hormis la Sarre, les destinataires sont français.
Avant la guerre, nous avions aussi l' Afrique du Nord, par ses phosphates.
Nous n'a avons presque pas de clients à l' étranger, cela pour une raison bien simple : une réglementation très stricte qui protège les fabrications nationales.
Les agréments locaux sont très difficiles à obtenir. "
Elle rentre dans la légende
Les lampes d' Arras Maxei se trouvent donc essentiellement dans les chantiers de sous-sol : dans les charbonnages et mines de potasse, mais encore dans les mains de personnels de services techniques confrontés à des problèmes de contrôle de milieu d' exploitation : EDF, GDF, voiries communales à cause des égouts etc.
Même si les besoins des mines demeurent importants ( entretien, remplacement ), il est évident que le marché professionnel de la lampe de mineur n'est plus en expansion.
Son avenir apparait fort limité.
Alors qu' est ce qui fait le succès actuel d' une lampe que l' usine Arrageoise continue de fabriquer par milliers ?
Symbole d' une profession qui a sa légende, elle finit souvent sa carrière sur une cheminée.
La corporation en chacun ou presque de ses membres, veut en garder le souvenir.
Non pas une pale imitation comme on en trouve à beaucoup d' étalages, mais une vraie lape qui rappelle fidèlement, réellement la fonction.
Et puis il y a le goût de notre époque pour ces vieilles choses ; en réaction contre le colifichet, le standardisé, l' anonymat d' une fabrication uniquement commerciale.
Depuis les années 70, un engouement s' affirme pour cette lampe personnalisant un passé qui nous est cher.
Une clientèle nouvelle se manifeste à Arras Maxéi.
Elle est preneur de la lampe véritable qui a tant de signification.
Elle n' hésite pas à la payer 800, 1000 voire 1100 F selon les modèles.
Et ce débouché que l' on attendait pas a concouru probablement à l' équilibre de l'affaire, au maintien du plein emploi.
Illumination
La lampe professionnelle érigée en cadeau ( cadeau de prix mais authentifié ) est achetée aujourd' hui par nombre de villes du Nord, par les hommes politiques aussi, et par les clubs sportifs de renom.
Ce n'est pas par hasard que le R.C Lens, et l' A.S Saint Étienne, clubs de bassins miniers se fournissent à Arras.
Et il était tout naturel que le général De Gaulle, que Pierre Mauroy, que François Mitterrand se soient vu offrir, entre autres présents, cette fameuse lampe que l' on connait à sa marque déposée : " ARRAS "
Successeur de " L' Application électrique " et spécialisée pareillement dans la fabrication de lampes de mines et le matériel d' éclairage, la Société Arras Maxei emploie un peu moins de 300 personnes dont 200 à Arras, les autres à Hénin et Paris.
Ses concurrents ont tous disparu, mais elle a toujours été la plus importante dans le genre.
Lampes de mines et Éclairage occupent à plein temps 20 ouvriers à Arras, dont deux tiers à l' usinage et un tiers au montage.
Sans parler de magasiniers tenant à jour un stock de plusieurs milliers de pièces soigneusement répertoriés.
Lampe à chapeau et lampes de mine constituent 15% des activités de l' usine Arras.
Production : pour l' essentiel des biens d' équipement électriques, Arras Maxei en exporte plus de la moitié vers les pays industrialisés ou en voie de développement.
Gros clients : les USA, l' Arabie saoudite, le Japon.
Lampes à essence : 5000 environ par an, pour le privé et pour le secteur public.
L' activité en cette matière est dominée par le contrat passé avec les Charbonnages de France pour l' entretien des lampes et les pièces de rechange.
Rien à l' étranger, sauf en vertu de vieux accords franco-allemands.
Reportage de la VOIX DU NORD du 28/11/1982 de Daniel LHOPITAL - photos : Stève LHOMME
Photos en tête et fin d' article : andredemarles
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